Entraînement de Mephistos

Arrivé au bord de la piste, le jockey se hissa sur la selle, non sans avoir resserré la sangle de deux ou trois trous, celle-ci étant devenue beaucoup plus lâche.
Il serra légèrement les jambes pour faire partir son cheval au pas, mais cette sollicitation eut pour effet de faire bondir l'étalon en avant, puis de le faire trottiner. Le jockey le freina doucement, et Mephistos reprit un pas nerveux, mais sans broncher. Il entamèrent une petite marche sur la piste, croisant d'autres coureurs qui s'entraînaient eux aussi, mais dans le petit matin, alors qu'il faisait presque sombre, la piste était quasiment déserte.
L'étalon regardait partout autour de lui, ses naseaux frémissants. Ce nouveau paysage l'intriguait, ainsi que ce nouveau cavalier qu'il allait peut-être mettre à l'épreuve.
Deux jambes se resserrèrent autour de ses flans et il prit le trot, un trot qui manquait d'impulsion. La paire de jambe le sollicita à nouveau, et il accélérait, sans conviction. "Je vois le problème" mumura le jockey pour lui-même. La veille, on l'avait en effet prévenu que ce cheval ne serait pas de tout repos. Il lui demanda un arrêt que le cheval éxécuta sans rechigner. Une fois l'arrêt marqué, les deux talons s'enfoncèrent de nouveau dans son ventre et il prit un trot toujours mou, mais toutefois légèrement plus énergique.
A plusieurs reprises, ils marquèrent des arrêts suivis de départs au trot, souvent accompagnés de la cravache, et au bout d'un moment l'étalon bondissait littéralement en avant lorsque le jockey le lui demandait.
"Bien." approuva le cavalier, commençant à sourire. Ils firent le quart de la piste au trot, puis repassèrent au pas. Le jockey prit le temps de vérifier la sangle, puis lui demanda un départ au galop auquel le cheval obéit encore une fois mollement. Ils s'arrêtèrent de nouveau, puis le jockey demanda un nouveau départ accompagné de la cravache. L'étalon obéit avec un peu plus d'énergie, et le jockey continua à lui demander plus d'impulsion. Ils s'installèrent alors à un galop souple, pas un galop de course, juste pour s'échauffer.
Ils firent la moitié de la piste à cette allure, puis, lentement, le jockey demanda quelques accélérations. A chaque fois, Mephistos obéissait, mais sans conviction, sans aucune motivation. Souvent, le jockey utilisait sa cravache, et peu à peu il parvint à atteindre une vitesse encourageante.
"C'est bien, continue !" souffla-t-il à l'oreille du cheval.
Mephistos tint l'allure sur quelques centaines de mètres puis, doucement, le jockey reprit les rênes et le fit ralentir jusqu'à reprendre le pas. Il laissa doucement les rênes filer. L'étalon allonga l'encolure, regardant toujours tout autour de lui. Un peu de buée s'échappait de ses naseaux, mais il n'était pas essouflé. Il avait très peu transpiré, et la main du jockey vint tapoter son encolure avec encouragement, pensant que ce cheval pourrait vraiment être bon... s'il acceptait un peu plus le travail.
Ils gagnèrent l'endroit par lequel ils étaient entrés sur la piste, le jockey demanda un arrêt puis mit pied à terre et ramena le cheval vers l'écurie.

Mephistos renâcla bruyamment en revoyant la première piste qu'il avait parcourue. L'homme lui tapota l'encolure puis le mena jusqu'au montoir pour l'enfourcher. Il fronçait les sourcils d'inquiétude, persuadé que son cheval ne reproduirait pas la performance de la dernière fois.
Il le mit au pas et le fit parcourir la piste tandis qu'il ajustait ses étriers et sa sangle. Lorsqu'il reprit ses rênes, l'étalon releva brutalement la tête et secoua sa crinière avec agacement. "Calme." marmonna le jockey, de plus en plus inquiet quant à la performance de l'étalon.
Lorsqu'il demanda un départ au trot, il dut s'aider de la cravache pour que le cheval accepte. A ce coup de cravache, Mephistos obéit, mais pas de la façon escomptée. Il leva la tête et la tendit vers l'avant, saisissant le mors aux dents, et se lança au grand trot.
Le jockey, étonné par une telle fureur de la part de son cheval d'ordinaire calme, lui parla doucement, agissant puis cédant sur les rênes. Le cheval prit le temps, mais finit par accepter de retrouver un trot de travail, secouant de temps à autres la tête avec agacement et ronflant des naseaux.
Il le fit longuement trotter aux deux mains pour le canaliser, car il avait deviné que dès qu'il demanderait un départ au galop, l'étalon en profiterait pour de nouveau saisir son mors et partir sans l'écouter.
Il décida donc de s'arrêter à un trotting pour aujourd'hui. Il fit reprendre le pas à son cheval, le laissant souffler quelques minutes, puis demanda un nouvau départ au trot.
Ils restèrent quelques minutes, peut-être 10 ou 15, à cette allure. L'étalon s'était calmé mais ne demandait pourtant qu'à reproduire sa première erreur.
Le jockey intima à son cheval l'ordre de reprendre le pas, puis, après avoir marché quelques temps, ils tournèrent les talons en direction de l'écurie. Le jockey flatta tout de même l'encolure de son cheval, mais de mauvaise grâce. Qu'adviendrait-il de ce cheval s'il ne travaillait que lorsqu'il en avait envie, ou lorsque le terrain lui plaisait ?

Il faisait froid, et de la buée s'échappait, à la fois des naseaux de l'étalon et de la bouche du jockey.
Ce dernier enfourcha son cheval puis le fit partir au pas tout en réglant ses étriers et sa sangle. Ils firent quelques tours au pas pour se réchauffer, puis prirent le trot, un trot léger et peu rapide. Mephistos ne semblait pas particulièrement prompt à réaliser une bonne performance, mais était assez en forme pour s'en sortir aujourd'hui.
Ils accélérèrent un peu le trot pour s'installer à une allure relativement rapide, qu'ils conservèrent longtemps et pratiquèrent aux deux mains. Mephistos ne protestait pas, mais ne faisait rien non plus pour rendre le travail plus aisé, et son jockey se contentait de celà, déjà heureux d'avoir un cheval qui acceptait d'avancer.
Il lui fit reprendre le pas et le laissa marcher quelques temps, rênes légèrement rallongées, pour le laisser souffler après ce long trotting.
Quelques minutes plus tard, il réajusta ses rênes et demanda un départ au galop immédiatement exécuté. Ils demeurèrent à une allure calme et détendue, le jockey gardant ses rênes bien tendues pour ne pas laisser accélérer Mephistos, qui tirait un peu désormais.
Progressivement, il laissa filer ses rênes et donna un petit coup de cravache derrière sa jambe pour donner de l'impulsion à l'étalon. Ce dernier ne refusa pas les ordres qu'il venait de recevoir et accéléra peu à peu son allure, sans toutefois atteindre la vitesse à laquelle ils étaient parvenus sur la plage.
Ils restèrent quelques temps à cette allure, puis le jockey reprit ses rênes, demandant à l'étalon de ralentir de façon très progressive. Peu à peu, ils reprirent le trot, puis le pas. Le jockey fit marcher son cheval quelques temps puis lui fit prendre la direction de l'écurie, après avoir mis pied à terre au bord de la piste.